[Critique] – « Le Musée des Merveilles » – Todd Haynes

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Deux enfants sourds vivant à deux époques différentes autour d’une même galaxie. Tel est le prémisse du Musée des Merveilles, nouvel objet sublime de Todd Haynes.

Au cinéma, tout est possible afin de reconstituer une époque, éveiller des souvenirs dans l’inconscient collectif, créer des rêves et transmettre quelque choses par le biais de la singularité d’un artiste. Todd Haynes l’a compris et en a fait l’objet de son cinéma.

Entre pastiche et reconstitution, il y a qu’un pas et le réalisateur culte du cinéma indépendant américain oscille toujours face à cette frontière. Velvet Goldmine éduquait sur une époque musicale en pastichant ses figures phares, I’m not there utilisait des époques, des codes esthétiques et des comédiens différents pour parler d’une seule et même personnalité (Bob Dylan) tandis que Carol baignait dans le numérique pour invoquer le New-York des années 50. Au Musée des Merveilles, deux époques sont distinguées à travers un jeu de ping-pong déconcertant au début mais qui foudroie ensuite par sa fluidité. Il y a la fin des années 20, où une jeune fille sourde et muette se perd dans sa famille déstructurée et le milieu des années 70 avec ce garçon endeuillé devenu sourd suite à un accident. Une distinction formelle se présente : 1927 est montré en noir-et-blanc sans dialogues où les images guident la sublime composition musicale de Carter Burwell ; quant aux années 70, les couleurs vives explosent de partout rythmés le bruit des voitures, du rock et de la soul.

Haynes reconstitue ses époques comme un enfant jouant aux Lego. Des terrains de jeux immenses où l’on joue à cache-cache tout en contemplant des images, évoquant aussi bien les changements techniques du cinéma (scène déchirante quant à l’arrivée du cinéma parlant du point de vue d’une sourde) ou bien politique quant au traitement des afro-américains par exemple. Si Wonderstruck (titre original) se montre ludique dans un premier temps, il est bouleversant ensuite quand il se dévoile sous la forme du conte. Le film frappe fort quant à la dureté des événements vécus par ces deux enfants car on y parle en effet de deuil et de solitude, avec toujours une pointe de mélancolie musicale bienvenue (leimotiv poignant de Space Oddity).

Une expérience sensorielle où deux perceptions temporelles se superposent et s’entrecroisent pour conclure à une apothéose émotionnelle, où les souvenirs restent présents grâce aux reconstitutions et aux images. Le Musée des Merveilles est une histoire magnifique en cela.

Victor Van De Kadsye

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