[Critique] – « Première Année » : Thomas Lilti replonge en P1.

Le grand public l’avait découvert en interne dans Hippocrate puis à la campagne avec François Cluzet, Thomas Lilti nous livre cette année une sorte de préquelle de ses précédents longs-métrages avec Première année, un constat sonnant comme une alarme sur les dérives des études supérieurs en médecine.

Avec Hippocrate et Première Année, Thomas Lilti propose un cinéma qui fonctionne sur deux éléments essentiels : L’immersion et le constat. Toujours dans le thème de la médecine, sujet que le réalisateur connaît bien puisqu’il en avait fait sa première vocation, ses films souhaitent partir de l’idée d’immerger ce métier et ceux qui l’exercent dans un milieu différent : Quand Vincent Lacoste n’est plus médecin en interne dans Hippocrate, il se retrouve donc à préparer annales et concours en compagnie de William Lebghil dans les bancs universitaires. La caméra de Lilti nous immerge dans ce milieu, toujours placé de sorte à montrer sans jamais juger (laissant l’intelligence du spectateur à être interpellé face à ce qu’il lui est montré).

Ainsi, on constate un monde universitaire rongé par la compétitivité et les crises de nerfs. Bien qu’usant d’éléments anachroniques concernant l’enjeu central des étudiants en P1 (première année), à savoir l’attribution de leur spécialité professionnelle, Lilti se sert de cela pour signer une histoire générationnelle et romanesque de deux types d’étudiants auxquelles chacun pourrait s’y retrouver : Celui qui est obstiné quitte à tout perdre socialement (Vincent Lacoste) et l’autre qui ne sait pas vraiment où est-ce qu’il se trouve (William Lebghil). Une histoire d’amitié avec laquelle le réalisateur va focaliser l’axe dramatique du film mais l’enjeu du film est donc tout autre : Ici, Lilti va à l’encontre des clichés possibles de ce genre de films, on est face à un film doux-amer (qui a tout de même sa part de légèreté surtout grâce à la bonhommie de William Lebghil) allant vers le sens du pragmatisme . Réaliste, sans pour autant paraître pour du documentaire, le film présente un milieu étudiant peu montré à l’écran du cinéma dit mainstream : On est bien loin des clichés de l’étudiant en beuverie éternelle ou surdoué, ici, on montre les étudiants en angoisse, obstinées par leurs fiches révisions et rien d’autre. Le film ne fait aucune concession dans son constat, quitte à rendre certains personnages tristement insupportables. Car Première année est un cri, un cri de révolte sur les conséquences d’une telle éducation sur des étudiants, qui sont plus considérées comme des reptiliens selon les paroles d’un personnage que pour des êtres humains.

Un cri de révolte, donc, auquel Lilti ne propose aucune solution dans son pragmatisme. Mais sa faculté inouïe à capter la sensibilité d’un milieu encore maintenant dans les lumières de l’actualité, fait qu’il signe n film brillamment angoissant, réussissant à montrer sans faille la difficulté de ces études supérieurs.

Victor Van De Kadsye

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